Voisin, que vois-je en l'air ? Voisin, ce sont des grues
Qui, désertant le nord, et vers nous revenues,
Fidèles messagers envoyés par Cérès,
Nous disent qu'il est temps d'aller en nos guère Ls
Répandre les engrais et jeter la semence.
Profitons du signal et faisons diligence ;
Attelons nos taureaux, prenons notre aiguillon.
Ainsi deux laboureurs causaient en ma présence,
Voyant de ces oiseaux passer un bataillon.
Une bagatelle
Peut souvent du penseur arrêter les regards :
Je laisse discourir nos deux bons campagnards,
Et, tandis qu'en leurs champs octobre les appelle,
Je vois, chez ce peuple volant,
Régner un ordre surprenant :
Chacune, quand son aile est assez vigoureuse,
Va conduire à son tour la cohorte nombreuse.

Le régime républicain
Vient s'offrir à mes yeux dans ce vol symétrique ;
C'est le gouvernement que l'immortel Franklin
Donna jadis à l'Amérique,
Où chacun participe à la chose publique ;
Où, nivelant un peuple tout entier,
Le seul mérite ayant la préférence,
La loi donne à chacun le droit et l'espérance
D'aller du dernier rang se placer au premier.

Livre III, fable 19




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