Le Geai, la Pie et le Dindon Fleury Donzel (1778 - 1852)

De plusieurs milles à la ronde,
La gent ailée accourait tous les jours,
Afin d'entendre les discours
De la Pie et du Geai qui faisaient, dans le monde,
Plus de bruit que jamais Eschine et Cicéron,
Hortensius et Démosthène,
Jadis dans Rome et dans Athènes.
Les deux grands orateurs avaient pour compagnon
Le Dindon.
Ce n'était pas son éloquence
Qui l'avait fait admettre en leur société :
Sa réserve et sa gravité
Qui devaient, à chaque séance,
Donner un air de dignité,
Lui valaient cette préférence.
Entre ses deux amis, élevé sur un banc ,
Docteur Dindon jouait son rôle ;
Et, s'exprimant par signe seulement,
Il semblait dire gravement :
Vous pouvez prendre la parole.
L'un des deux oiseaux commençait .-
Dès que l'orateur finissait,
Oiseaux jaloux faisaient la moue ;
Mais le Dindon faisant la roue,
Du reste de la nation
Entraînait l'approbation.
Avec les orateurs faisant cause commune,
Le Dindon partagea leur réputation,
Comme il partagea leur fortune.
On les combla de biens. Richesse, honneur, respect,
Furent bientôt de leur domaine.
Le Dindon n'y prit pas de peine:
Si ce n'est pour manger, oncil n'ouvrit le bec.
J'en sais plus d'un en cette ville,
Comme lui marchant sur deux pieds,
Qui doit tout son relief à ses associés
Et pourtant passe pour habile.

Livre II, fable 8




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