Un geai fashionnable,
Près des belles faisant l'aimable,
Rêvant aussi je ne sais quels honneurs,
Se dégoûta de son plumage ;
Et comme son ramage
N'embrasait pas les cœurs,
Il voulut changer de parure.
Un paon, par aventure,
Avait laissé, dans la cour d'un castel,
Son tribut annuel :
Vous savez bien ; cette aigrette dorée,
Ces yeux toujours veillants,
Et ces mille brillants
Dont jadis l'embellit la reine d'Empyrée.
Pour notre geai c'était belle moisson ;
Et je ne connais lapidaire
Qui pût fournir pareille affaire.
Donc, sans autre façon,
L'aimable sire
S'empare des rubis, se pomponne et se mire
Dans le cristal d'un ruisseau :
Jamais oiseau
Ne fut plus content de lui-même.
(t Ah! comme je suis bien ! en vérité je m'aime,
Le voyez-vous se pavaner,
Faire le gros, se dandiner,
Et, laissant libre cours à son humeur badine,
A tout venant adresser douce mine,
En se croyant un Adonis
Paré de l'écharpe d'Iris !
Notre gaillard trompa tourterelle novice :
Puis fier de ce premier exploit,
Le maladroit
S'engage dans plus vaste lice :
Parmi messieurs les paons il veut passer pour roi!
L'on vous arrange de manière
La grandesse aventurière
Que, perdant son plumage et demi-mort d'effroi,
Monseigneur geai s'enfuit au loin sous le feuillage ;
Là, bien tapi, se lamente et ramage,
En confiant aux dieux sa honte et son malheur.
Le bon Jupin, malgré lui, le désole,
Et lui dit, sans parabole :
« Vulgaire usurpateur,
Je ne puis accueillir tes plaintes;
Malgré tes feintes,
Geai ne peut devenir paon.
Fuis sans tarder les peines du divan.
Tu mérites l'exil, et les lois de la terre
A tout voleur infligent châtiment.
Un être un peu plus important
Expirerait sous mon tonnerre »
Ainsi le dieu Jupin mit l'oiseau hors de cour
Avec dépends. Depuis ce jour,
Maints geais usurpateurs ont évité la scène
Suffit : ils auront leur tour.