Jupiter et les saisons Fleury Donzel (1778 - 1852)

Jadis, sous la torride zone,
C'était aux bords de l'Amazone,
Climats chers au soleil, où, sous ses traits perçants,
Le voyageur voit la nature,
Briller de toute sa parure ;
L'été, l'automne et le printemps,
A l'hiver, cédant avec peine,
Sa part d'un si riche, domaine,
Bannissons, dirent-ils, de ces heureux climats
Ce vieillard destructeur, ce tyran de la terre ;
Qu'il aille établir ses frimas
Aux lieux qu'obliquement l'astre du jour éclaire
Et sur ces belles régions
Sans obstacles nous régnerons.
Les biens que le Ciel leur prodigue
Sans interruption y croîtront désormais.
Voilà l'hiver, victime de la ligue,
Forcé de déloger. Bientôt Flore et Cérès
Se réunissant à Pomone,
On vit régner ensemble aux bord de l'Air.
L'été, le printemps et l'automne.
Mère nature, à cet accord,
Voulut bien s'opposer d'abord ;
Mais celui-ci paresseuse,
Mais celui-là de radoteuse,
Sans aucun respect la traita.
Il fallut en oasser par là.
A-t-on jamais vu quelque mère
Parler raison à ses enfants
Sans qu'ils paraissent mécontents?
Il fallut donc les satisfaire
Et laisser exiler ce frère
Qui les gênait dans leur dessein.
A ces enfants ingrats la Terre ouvre son sein,
Et prodigue en un mois les trésors d'une année ;
Mais cette mère infortunée,
Malgré sa tendresse et ses soins,
Nt peut suffire à leurs besoins.
Comme eux elle languit. Un repos salutaire
Leur devient à tous nécessaire.
Elle s'adresse à Jupiter.
Le roi des dieux, touché de sa prière,
Veut qu'à l'instant on rappelle l'hiver.
Iris va le trouver au fond de la Norvège,
Où, sur des montagnes de neige,
Il avait établi sa cour.
A la céleste messagère
Il refusa tout net de quitter un séjour
Où son pouvoir était tout arbitraire.
Jupin alors ne put mieux faire
Que d'ouvrir son grand réservoir.
Sur cette terre infortunée,
Pendant deux mois il fit pleuvoir.
Ce phénomène, chaque année,
Deux fois s'y fait apercevoir :
Et c'est ainsi qu'à la torride zone,
L'été, le printemps et l'automne
Sont, par l'abondance des eaux,
Forcés à prendre du repos.

Livre II, fable 9




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