O Jupiter ! s'écriait un Soldat,
Brave, d'ailleurs, autant que son épée,
Au sein des camps faut-il voir, sans éclat,
De mes beaux jours la moitié dissipée !
Faut-il , sans fruit, longtemps servir l'État ?
Mon corps, tout sillonné de nobles cicatrices,
Parle assez haut de mes services ;
Quand donc m'en reviendra l'honneur ?...
Jupiter accueillit sa requête en bon père,
Et prit en compte sa valeur :
Bref, dès la plus prochaine affaire,
On le nomme Décurion ,
Bientôt après Centurion ;
Enfin, avant un an de guerre,
Notre brave se voit Tribun de légion...
C'était en peu de temps faire un chemin rapide ;
Mais, quel mortel jamais fut content de son sort !
Plus on obtient d'honneurs, plus on s'en montre avide ,
Et toujours envers nous le Destin aura tort :
La faveur qu'il m'accorde, à peine est-ce justice ;
Élève-t-il autrui, ce n'est plus qu'un caprice,
Et, si tel est Consul, je dois être Empereur...
Hé bien , soit, dit Jupin, j'y consens de bon cœur :
Soldat, ta vie au trône est condamnée ;
Tu l'as voulu , remplis ta destinée,
Et tâche d'être heureux... Au faîte des grandeurs
Il est donc parvenu : la pourpre, les licteurs ;
Il peut tout, le voilà le premier de l'Empire ;
Mort à qui va désobéir !...
Mais déjà le superbe, en son cruel délire ,
Trouve trop lents , alors qu'il veut punir,
Le licteur à frapper, le coupable à mourir :
Que me sert de régner, dit-il , si ma puissance
N'a de plus prompts moyens de servir ma vengeance,
Que la verge et le fer ? au Souverain des Dieux ,
Que ne puis-je arracher la foudre !...
La voilà, fit Jupin, mais pour te mettre en poudre !...
Écoutons ces Ambitieux,
Et, sous leurs lois , rangeons d'abord toute la terre ;
Il faudra les armer bientôt de mon tonnerre,
Et leur céder un jour ma place dans les cieux !