Les cerfs jadis ne portaient point de bois ;
Du ciel c'était la fantaisie,
En nous créant, il en eut quelquefois.
Cependant, avec jalousie,
Un jeune et beau cerf regardait
Les belles cornes que portait
Un fier bélier de Valachie.
Jupiter à l'instant passait,
A cheval sur une nue.
« Maître des cieux, dit le cerf,
Je me trouve un drôle d'air,
Avec une tète aussi nue.
Es-tu le puissant créateur ?
Orne mon front d'une couronne ;
Me parer, plaire, est mon bonheur.
Fais que tout ce qui m'environne
M'admire et convoite mon sort. »
Jupin sourit, et prenant la parole:
« Allons ! dit-il, nous ferons un effort
Pour contenter ton goût frivole. »
Et soudain deux superbes bois
Gomme des branches sans feuillage
Sur son front croissent à la fois ;
Ge miracle, depuis, a, dans plus d'un ménage,
Réveillé d'étranges soupçons.
Cependant, tout rempli de joie,
L'orgueilleux cerf parcourt monts et vallons,
Du dieu montrant partout les dons.
Qu'entend-il tout coup ?... Ciel ! une meute aboie,
Et tout ce qui peut courir, court...
L'animal couronné songe à lever la jambe ;
Mais, dans les liants taillis évitant un détour,
Il presse en vain sa fuite, il se sent moins ingambe
Ses bois, trop lourds, partout dans les rameaux sont pris
Et ses pas de périls suivis.
En maudissant un présent si funeste,
Il dit : « Jupin reprends cet ornement ;
J'aime mieux, moins superbe, être d'autant plus leste
La vanité m'a fait inconséquent,
L'expérience me rend sage.
— Va, répond Jupiter, il n'est point d'avantage
Qui n'ait son inconvénient. »