Le Conseil du Lion Antoine Le Bailly (1756 - 1832)

L'Ours a fait son rapport. De tous les personnages,
Trois seulement (ils le méritaient bien)
Ont compté le plus de suffrages :
C'est le Cheval, le Castor, et le Chien.
De par le roi Lion, qui veut les en instruire,
Le ministre au Conseil vient de les introduire.
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Quel doux spectacle est offert à leurs yeux !
Un monarque adoré qui, portant la couronne,
Héritage de ses aïeux,
Ne doit qu'à ses vertus l'éclat qui l'environne.
Il n'a point cet air sombre, inquiet, soucieux,
Ineffaçable caractère
Imprimé sur le front des tyrans odieux :
Dans tous ses traits respire un prince débonnaire,
Sensible, clément, généreux,
Agissant moins en roi qu'en père,
Enfin ne se croyant heureux
Que par les heureux qu'il peut faire.
- Approchez : mes enfants, leur dit Sa Majesté
Avec un ton plein de bonté ;
Approchez : à ma confiance
Vous avez les plus justes droits ;
Or, mon ministre et vous, écoutez l'Ordonnance
Qui va régler vos différents emplois :

Le Cheval, dont la renommée
Publie en tous lieux les exploits,
Est nommé chef de mon armée.

Il faut, pour mon trésor, un fidèle gardien ;
Et ce dépôt, je le confie au Chien.

Le Castor connaît la marine ;
De plus, il peut servir l'état,
Soit comme architecte ou soldat :
Au rang d'ambassadeur c'est lui que je destine ;
Un tel honneur appartenait aux arts :
C'est un fait digne de mémoire
Que, par eux, le premier des Czars,
De fonder un empire eut autrefois la gloire.
Du Lion tel fut le discours :
Pouvait-il mieux finir que par ce trait d'histoire ?
Il donne ses ordres à l'Ours,
Et le Conseil lève séance.
Du sceau royal les brevets revêtus
Sont délivrés aux trois élus ;
Chacun vole à son poste, et leur tâche commence.
Dom coursier a choisi ses archers, ses prévôts,
Et son active vigilance,
Auprès, au loin, partout, rétablit le repos.
Le Chien, en habile économe,
Épargne les fonds du royaume.
L'industrieux Castor se signale à son tour :
Un beau matin il revient à la cour,
Rapportant, avec son diplôme,
Un pacte d'alliance entre les deux états,
Qui met fin à tous les débats.
A peine à Léonide on en sait la nouvelle,
Qu'on entend dans ses murs crier de toute part :
Vive le roi Lion ! Vive le Léopard !
Bref, la joie est universelle.
On dit même qu'en ce moment,
Touché de repentir, un vieux loup fit serment
De renoncer au brigandage.
La chose, à mon avis, est peu digne de foi ;
Mais qu'importe ? des loups on ne craint plus la rage ;
Tout est rentré dans l'ordre, et c'est l'heureux ouvrage
D'un ministère habile, et surtout d'un bon roi.
Voulant montrer alors son âme tout entière,
Le Lion ordonna qu'aux murs de son palais
Fussent gravés ces mots, en style lapidaire,
Pour servir de leçon aux rois comme aux sujets :
Le plus grand fléau de la terre,
C'est la guerre ;
Le plus grand de tous les bienfaits,
C'est la paix.

Le Gouvernement des Animaux, fable 5


ARGUMENT
Examen des candidats à la chambre du conseil. Promotions faites par le Lion. Esquisse de son caractère. Son discours aux officiers élus. Comment chacun d'eux remplit ses fonctions . Traité d'alliance conclu avec le Léopard. Paix générale.



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