Le Conseil du Renard Louis-François Jauffret (1770 - 1850)

Après une sanglante guerre,
Deux peuples africains., depuis longtemps rivaux,
Éléphants et Rhinocéros
Avaient fait une paix sincère.
Contre le roi Lion, redoutable adversaire,
Ils forment une ligue. On voit, en même temps,
Éléphantide et Rhinocère,
Pour la cause commune armer leurs habitants.
Le roi des animaux sait leur dessein perfide,
Marche contre eux., et veut, audacieux Lion,
Dans Rhinocère même, et dans Éléphantide,
Éteindre le foyer de la rébellion.
Bientôt les deux partis se joignent dans la plaine.
Avec acharnement on se mêle, on se bat.
Inutiles efforts ! à la fin du combat,
La victoire flotte incertaine.
Le Lion se prépare à des combats nouveaux ;
Il assemble tous ses vassaux.
L'un d'eux, l'Ulysse de la bande,
Ose lui parler en ces mots :
Sire, les Eléphants et les Rhinocéros
Sont gens à redouter. Votre bravoure est grande,
Mais la guerre est chanceuse ; et dans un cas pareil,
Ce que la raison vous commande,
C'est de prendre un sage conseil.
Depuis quelques jours, en Afrique,
Est arrivé d'Europe un prudent animal,
Un conseiller adroit, un rusé politique,
Le Renard, cousin du chacal.
Voyez en cette conjoncture,
Quel serait son avis. Le monarque y consent.
On cherche le Renard ; il arrive à l'instant.
Sire, je vous promets une victoire sûre,
Une victoire prompte. Il faut nous confier
Le soin de vous sacrifier
Le chef des ennemis. Je connais une route
Secrète et détournée. Au milieu de la nuit
Nous irons l'immoler sans bruit.
Lui mort, tout se disperse, et la ligue est dissoute.
Arrête, lui dit le Lion,
Rugissant de colère et d'indignation ;
Va dans d'autres climats conseiller l'infamie.
De tout temps la victoire a flatté mon grand cœur ;
Mais il faut quelle soit le prix de la valeur,
Non celui de la perfidie.

Livre II, Fable 6




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