Un de. ces animaux qui marchent en rampant,
Et dont on craint l'aspect autant que la morsure,
L'image des ingrats, le venimeux Serpent,
Se traînait sur les bords d'une onde claire et pure.
Semblable à ce reptile, et de forme, et d'allure,
Une Anguille nageait dans le fond du ruisseau.
A travers le miroir de l'eau
Elle vit le Serpent T admira sa figure,
Et l'éclat de son œil, et l'émail de sa peau.
Ils se lorgnaient tous deux, et faisaient route ensemble,
Quand enfin le poisson au reptile malin
Adressa la parole. Arrêtez ! il me semble
Que je puis, que je dois vous nommer mon cousin,
Car en tout point je vous ressemble.
Apprenez-moi pourtant par quel heureux destin,
Sans rien craindre du genre humain,
Enfant chéri du ciel, on vous voit, sur la terre,
Atteindre de vos jours paisiblement la fin,
Tandis que par un sort aussi dur qu'arbitraire,
Inventant contre moi des supplices nouveaux,
L'homme pour m'écorcher, me cherche au fond des eaux.
Tu peux changer ta destinée,
Lui répond soudain le Serpent
En sifflant.
Venge-toi d'une race à te nuire obstinée.
Je me fais craindre... imite-moi ;
Porte une langue empoisonnée,
Et désormais autour de toi
Répands et la mort et l'effroi.
— Moi ! répandre la mort ! Non,-jamais. Je préfère
Mon pénible destin à ce rôle odieux.
Éloigne-toi. J'aime encor mieux
Souffrir le mal que de le faire.