Aux bords d'un étang peu profond
Sautillait une Anguille au corps fluet et long.
Un enfant l'aperçoit, et, d'une main furtive,
Il la saisit au premier bond :
-Ma belle, je vous tiens ; vous voici ma captive.
Comme il disait ces mots, l'Anguille fugitive
S'agite, se replie, et glisse entre ses doigts.
Mon espiègle de la poursuivre.
Il la guette, il l'atteint une seconde fois,
Et cette fois encor l'Anguille se délivre.
- Si tu crois m'échapper, dit l'Enfant, c'est en vain ;
Je l'ai mis dans ma tête, il faut que je te prenne. -
Et, pour accomplir son dessein,
D'une feuille de vigne il vient d'armer sa main ;
Puis, tandis que l'Anguille à loisir se promène
Aux bords du cristal argentin,
Tantôt nage à fleur d'eau, tantôt s'enfonce et plonge,
Remonte, redescend, se ramasse, s'alonge ;
L'Enfant adroit et malin
La suit de l'œil, et soudain.
Enveloppe son corps de la feuille qu'il presse.
C'en est fait : de l'étang il déloge l'hôtesse,
L'attache au bout d'un long bâton,
Et, d'un air triomphant, l'emporte en sa maison.
Ne précipitons rien : par trop d'impatience
L'homme fait tous les jours avorter ses projets.
C'est le choix des moyens, c'est en persévérance,
Qui sont les garants du succès.