L'Enfant et le Cultivateur Jean-Louis-Marie Guillemeau (1766 - 1852)

Un jeune enfant, parcourait un matin
D'un coteau varié les routes sinueuses,
En récoltant, sur son chemin,
Des fleurs nouvelles et nombreuses.
Moins fraîches pourtant que son teint....
Redoutez de ces lieux les grâces attrayantes,
Lui dit un villageois ; sur ce coteau voisin
J'ai vu des bêtes malfaisantes
Sous l'herbe cacher leur venin ;
Et leur atteinte redoutable,
Qu'avec soin l'on doit prévenir,
Fait une blessure incurable
Qu'aucun art ne saurait guérir ;
Agissez donc avec prudence ;
Ne consultez pas trop vos penchans et vos vœux,
Et méprisez, instruit par mon expérience,
Des agrémens si dangereux.
L'enfant fort effrayé, d'abord fut moins avide ;
On le vit, par la peur, un instant arrêté ;
Mais bientôt entraîné par sa cupidité,
Il reprit sa course rapide,
Et parut même avoir plus d'intrépidité.
Déjà, d'une main téméraire,
Le jeune et folâtre enfançon,
Cherchait au milieu d'un buisson
La violette et fraîche et passagère,
Lorsqu'une méchante vipère,
Que, près de là recelait le gazon,
Sur lui courut avec colère,
Et l'infecta de son poison.

La jeunesse toujours présomptueuse et folle,
Suit, sans réflexion, une imprudente ardeur ;
Ne songeant point assez qu'un plaisir qui s'envole
Après lui laisse la douleur.

Livre IV, fable 10




Commentaires