Tombé du haut d'un chêne, un Gland, par aventure,
Était gisant sur la verdure
Côte à côte d'un Champignon.
- Faquin ! dit le premier, d'où te vient cette audace
De me traiter ici de pair à compagnon ?
Si près de ma personne occuper une place !
Eh ! qui t'a donc permis de croître dans ces lieux
Que depuis deux mille ans illustrent mes aïeux,
Toi, race de fumier ? Je ne suis qu'une bête,
Répond le Champignon son chapeau sur la tête.
Dire d'où je viens, qui je suis,
Franchement, je l'ignore, et n'ai qu'une manière,
C'est de juger de l'arbre par les fruits :
Or j'ai des qualités, soit dit sans vous déplaire,
Que prisent les gens délicats ;
Et ces qualités-là, vous ne les avez pas.
- Comment, maraud !...-Tout doux, moins de colère.
De l'homme sensuel je flatte le palais ;
Point de festins où je ne brille ;
À la table des rois on admet ma famille,
Et l'on vient me chercher jusqu'au fond des forêts.
Maintenant, répondez, beau sire,
Vous, si fier, vous, si glorieux,
Vous êtes le régal de qui ?... faut-il le dire ? —
Ace mot, le Gland furieux
Allait à son voisin insulter de plus belle,
Quand, pour finir cette grande querelle,
Don pourceau, qui rôdait par là,
Saisit le Gland et l'avala.
Honneur aux rejetons d'une famille antique,
Lorsqu'en gloire, en vertus, ils savent l'égaler !
Mais, sans ce double titre, à quoi sert d'étaler
Un arbre généalogique ?