'Combien la jeunesse est heureuse 1
Lo blanc, le noir, pour elle tout est bon.
Elle se plaît à tout, légère, insoucieuse ;
Mais a-t-elle toujours raison ?
Des Champignons de toute espèce,
Sur un coteau moussu, sous un ombrage épais,
Naissaient, se remplaçaient sans casse.
Une bande d'enfants, clans ces lieux verts et frais,
Admiraient de chacun la diverse nuance,
Et, tout joyeux, les ramassant>
En remplissaient leurs mains pour en faire bombance ;
« Vois, s'écriait l'un d'eux, vers son père accourant,
Vois les riches couleurs de cette belle plante !
On en fait de bons plats : Suzon, notre servante,
Sait comme il faut les apprêter,
Et je cours pour les lui porter.
— Arrête, cher enfant, dit aussitôt le père,
Prends garde à toi, n'agis jamais
Sans demander conseil et voir ce quo tu fais.
Quant à ces Champignons, ne vas à la légère :
Pour distinguer les bons, écarter les mauvais,
11 faut do l'habitude et quelque connaissance,
Ou tu pairais bien cher ton inexpérience !
Ces Pratelles aux chapeaux blancs ? ;
Ou ces Giroles d'or sont des mets bienfaisants ;
Cet autre que voici, dont les couleurs vermeilles
S'émaillent de points blancs et dont tu t'émerveilles,
C'est, cher ami, l'Agaric vénéneux,
Le plus mauvais de tous, toujours pernicieux :
La mort attend celui qui veut en faire usage.
Plus tard, en avançant en âge,
Tu verras maint et maint ouvrage
Comme ces Champignons tout fraîchement éclos,
Leur rival en durée et leur fidèle image.
Ces romans prônés et nouveaux,
À la couverture élégante,
Mais à la morale glissante,
Sont un Agarie vénéneux :
N'ayons point commerce avec eux.
Les fables du bon La Fontaine
Ou do l'aimable Florian
Sont, tout à l'opposé, nourriture très-saine ;
Fais-en bien ton profit : on trouve en les lisant
Que l'esprit et le cœur vont toujours s'éclairant.
C'est là, mon fils, bonne leçon à suivre,
Rappelle-toi les Champignons,
Et ne te nourris pas d'un livre,
Sans bien savoir s'il est des mauvais ou des bons. »