Tomy et Médor Saint-Joseph

Des Canards éveillés, et d'une belle race,
Folâtraient à l'envi dans un large bassin ;
On les voyait glisser, disparaître soudain,
Reparaître plus loin et nager avec grâce.
Tomy le bouledogue, un dangereux voisin,
Eût bien voulu sur eux faire main basse ;
Le fripon ne manquait d'audace,
Mais du bras de son maître il savait la lourdeur.
Voulant dissimuler sa trace,
Il va trouver Médor, son compère, chasseur,
Bon garçon, et de plus un renommé nageur ;
« Vois-tu bien, lui dit-il, ce jeune volatile ?
De sa chair nous ferions un succulent repas.
Mais le happer n'est point chose facile,
Et je ne vois que toi d'habilo
Pour un pareil exploit ; car tu no manques pas,
Sur la terre comme sur l'onde,
Le gibier, quel qu'il soit, dont tu veux le trépas.
Il est digne de toi d'aller en eau profonde,
Saisir et rapporter ces oiseaux destructeurs ;
Notre maître, crois-moi, t'en dira des douceurs. »
Médor hésite un peu, mais ce discours le flatte,
Et, plongeant tout à coup, il allonge la patte
Sur les canards tremblants... Vain espoir ! leurs clameurs
Ont fait retentir l'air, donné l'éveil au maître.
Il vient le fouet en main ; on le voit apparaître,
Criant, jurant et tempêtant.
Or, pendant que Médor se mettait à l'ouvrage,
Notre Dogue accroupi, muet sur lo rivage,
S'apprêtait à donner coups de patte et de dent ;
Voyant le fouet jouer, il courut au plus vite
Se blottir dans son gîte.

On connaît bien des gens, gens de beaucoup d'esprit,
Qui conseillent le mal, pour en tirer profit ;
Le danger survient-il, les voilà tous en fuite.





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