Un loup s'en vint rôder alentour d'un troupeau;
Mais le brave Médor, qui connût son affaire,
Songe à défendre au mieux ses moutons et su peau,
En voyant avancer cet hôte téméraire..
Maître loup était fort... et d'être secondé
Médor eût eu besoin pour entrer dans l'arène.
Mais au courage de Condé
Joignant le sang-froid de Turenne,
11 s'éloigne en rampant et, sans faire de bruit,
Décrit dans les guérets un assez long circuit ;
Puis, choisissant le moment favorable,
Court et saisit aux flancs l'animal redoutable
Et vous l'éventre sans quartier.
Le lendemain, le troupeau tout entier,
Vint offrir au vainqueur une pompeuse adresse.
« Que veut dire ceci ? Quoi ! pour un peu d'adresse
Et peut-être quelque valeur,
Me louanger ainsi ? Mais tout autre, à ma place,
En aurait fuit autant, » répondit le vainqueur.
A ces mots, les moutons renouvellent en chœur
Leur vive gratitude ; et soudain on enlace
Le chêne à l'olivier pour prix de ses exploits.
C'était ce qu'il voulait ; il leur donna le change.

Refuser le tribut d'une juste louange,
N'est-ce pas le désir d'être loué deux fois ?

Livre I, fable 20




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