Les trois fleurs

Marie Perrier (fin 18ème siècle)


L’Œillet, la Rose et l’Immortelle
Un jour se prirent de querelle
Sur leur mérite , leur beauté.
Je suis, sans contredit, de nous trois la plus belle,
Disait la Rose , et cette vérité
Vous interdit tout parallèle.
Je charme les regards, je flatte l’odorat :
Ma fraîcheur, ma délicatesse ,
Mon coloris et mon éclat
Me font nommer des fleurs la reine et la maîtresse.
— Je conviens , dit l’Œillet avec un peu d’orgueil,
Que si l’on juge l’apparence,
Notre séduisante élégance
Peut tromper au premier coup d’œil.
Dès qu’on vous voit briller sur votre tige,
De la nature eu vous on admire un prodige.
Mais vos charmes, hélas ! sont bientôt tous perdus,
Et nul mérite en vous ne soutient le prestige.
Vous naissez le matin, le soir vous n’êtes plus.
J’ai moins d’éclat que vous, mais plus de consistance.
Je suis assez bien fait, mon mérite est réel,
Mon parfum agréable , et suis de la science
L’emblème le plus naturel.
— Pourquoi tant disputer, s’écria l’Immortelle :
A moi seule le prix est dû.
Si je parais sauvage , et pour cela moins belle
Mon mérite est plus reconnu :
En tous temps en tous lieux chacun me rend hommage,
Comme représentant l’image
De l’honneur et de la vertu.
La raison qui survint mit fin à la querelle,
En donnant la couronne à la sage Immortelle,
La beauté plaît, dit-elle ,
Mais ses attraits brillants
N’ont que l’éclat d’une étincelle.
L’Œillet que l’on plante au printemps,
En automne peut encore plaire :
La Rose , en séduisant les sens,
N’a qu’une existence éphémère :
L’Immortelle est de tous les temps.

Récréations d’une Bonne Mère avec ses Filles




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