Les Fleurs et les Fruits Jean-François Guichard (1731 - 1811)

Aux fleurs les fruits firent la guerre :
Qui ne se la fait point sur terre ?
Vous croyez, pour le moins, valoir autant que nous ;
Petites fleurettes
Que vous êtes.
Mignonnes, désabusez-vous ;
À vous-autres voyez seulement si l'on pense,
Quand nous sommes partout chéris, considérés,
Par les rois même savourés.
De vous aussi que peut-on dire ?
Une fleur ne tint pas à cet excès d'orgueil.
Écoutons-la parler : Quel aveugle délire !
Eh mais ! aux fleurs l'univers fait accueil,
Notre culture attache plus d'un sage :
Un sage n'est-il rien ? Un sage est plus qu'un roi
Même en vous cédant l'avantage,
Joli parterre encore a bien son prix, je crois.
Les déesses des cours, les coquettes des villes,
Quelquefois les nymphes des champs,
Ne nous jugent point inutiles,
Par nos charmes les leurs deviennent plus touchants :
Fleurs ornent leurs cheveux, fleurs brillent sur leurs têtes,
Et fleurs reposent sur leur sein.
Voilà pourtant notre destin.
Lorsque vient le jour de leurs fêtes,
Que joignent les amants au présent de leurs cœurs ?
Des fleurs.
Et vous nous dédaignez ! O bizarre caprice !
Vous avez été fleurs avant que d'être fruits.
Rendez-nous donc plus de justice,
Et vivons désormais unis.
L'utile est votre lot, fruits, il est honorable :
Mais aux légères fleurs n'ôtez point l'agréable.

Livre IV, fable 6




Commentaires