Sur le sol tristement penchées,
Maintes fleurs longtemps desséchées
Avaient insulté le Soleil
Et maudit son retour vermeil.
Ce dieu puissant n'était qu'un cruel, qu'un infâme,
Un tyran sans vertu, sans âme....
Tout ceci redit en haut lieu
Mit fort en colère le dieu.
Il fit appeler son ministre
De la justice, Éole ; et d'une voix sinistre :
Va, lui dit-il, et venge-moi. —
Le Vent, des plus contents, ma foi,
Descend. Il souffle dans la plaine,
Et bientôt sa terrible haleine
Met les plantes en désarroi.
Partout où sa colère passe,
Il renverse, abîme, fracasse :
Chiens et troupeaux sont culbutés,
Et nombre de toits emportés.
Lorsque les grands sont en colère,
Quelques innocents châtiés
Et pour autrui sacrifiés
Sont peu de chose dans l'affaire.
Le Vent finit par se lasser ;
Il s'apaisa. Les pauvres plantes
Étaient aux trois quarts expirantes.
Eh bien ! dit le Soleil, allez-vous confesser
Vos torts ? Allez-vous m'adresser
Des excuses et reconnaître
Que je suis un grand, un bon maître ? —
-Hélas ! dirent les fleurs, nous souffrons encor trop ;
A peine trouvons-nous un mot
Pour vous donner signe de vie.
L'astre du jour en eut pitié.
Il jugea que le tort était bien expié,
Et sur-le-champ manda la Pluie,
Son doux ministre des faveurs :
Relève un peu ces pauvres fleurs ;
Rends -moi leur amour, je te prie ;
Sois un baume pour leurs douleurs.
La Pluie est d'humeur bienfaisante ;
Et le breuvage précieux
Tombe en quantité suffisante.
Déjà les fleurs respirent mieux ;
On les voit relever la tête.
Bientôt, oubliant la tempête,
Dans un rhythme mystérieux,
Leurs voix montent jusques aux cieux :
-Merci, merci de l'existence ;
Quel changement délicieux !
O Soleil ! reviens, recommence
Ce cours qu'on désire en tous lieux.
Viens combler ainsi ta clémence ;
Tu n'entendras plus nos clameurs...
La clémence est la clé des cœurs.