O bon vieux temps, renais pour moi !
Heureux temps, où le fils d'un roi
Ne vouait jamais sa tendresse
Qu'à la douce et sage princesse,
Dont les attraits l'avaient touché!
Au char de la belle attaché,
Il bravait parfois de son père
La raison d'Etat trop sévère...
Mais, protectrice des amours,
Une fée aimable et puissante
Venait apaiser la tourmente,
Et, grâce à son divin secours,
Soudain tombaient tous les obstacles....
Hélas ! on ne voit plus de ces charmants miracles.
Mais il n'est pas de père ici,
Et mon histoire la voici :
Un prince, héritier d'un royaume,
Était fort beau, mais sans esprit ;
Sa mère en pleurait de dépit....
Un beau jeune homme ! encor s'il fût né sous le chaume !..
Ah ! s'il avait eu seulement
Quelque peu de bon jugement ;
Mais non, rien, un cerveau rebelle.
Cependant ce prince était bon
Et capable d'affection.
Bête et méchant, la chose eût été trop cruelle :
Malheur aux peuples quand parfois
On la rencontre chez les rois !
Le prince aimait une princesse ;
Mais celle-ci disait sans cesse :
--- Vous êtes beau, sans contredit,
Et bon ; mais, par malheur, vous manquez trop d'esprit.
Impossible à vous de me plaire !
Adieu, prince ; je vous plains fort.
Il allait, déplorant son sort,
Les yeux inclinés vers la terre.
Et, comme il marchait, un lézard
- Frappa tout-à- coup son regard....
Attaqué par devant, par côté, par derrière,
Ce lézard entrainait toute une fourmilière :
A leur proie attachés, des milliers d'ennemis
En faisaient déjà chère-lie.
Mais le prince à l'instant oublie
Ses ennuis ; il se baisse, et, chassant les fourmis,
Sans en oublier une, il sauve ainsi la vie
Du lézard qui court et s'enfuit,
Midi sonna, le prince, après un long circuit,
Revint dans ces lieux. Une fée
Belle, souriante et parée,
S'offrit tout-à-coup à ses yeux.
Ah ! quel changement merveilleux !
Le lézard était fée, et la métamorphose
Dans les arrêts du sort avait puisé sa cause.
-Cherprince, ton bon cœur s'est bienmontré : dis-moi
Ce que je puis faire pour toi.
Donnez-moi de l'esprit ; ah ! donnez-m'en, de grâce :
Est-il un bonheur qui surpasse
Celui de pouvair être aimé ?
-Tu n'es pas sot, du moins, puisqu'on te voit modeste,
Et d'un tel désir animé.
-Ah ! donnez-moi l'esprit, mon cœur fera le reste. -
- Déjà n'es-tu pas exaucé ?
Ton espoir sera dépassé.
Je vois briller tes yeux d'une flamme céleste ;
Mais, pour te rendre heureux, l'esprit ne suffit pas ;
C'est un autre flambeau qui doit guider tes pas :
Il rehausse l'esprit et n'est jamais funeste ;
Il luit pour nous dans tous les temps...
- Et vous l'appelez ? Le bon sens.