Les deux Fleurs de Pêcher Jean Héré (1796 - 1865)

Une fleur double de pêcher
Un jour dit à la fleur d'un pêcher ordinaire :
Évitez donc de m'approcher,
Car la comparaison vous nuirait trop, ma chère.
Ma fleur seule en ferait plus de dix comme vous,
En détachant chaque pétale ;
C'est assez vous dire, entre nous,
Que vous ne pouvez pas vous croire mon égale. -

- Oui, madame, votre beauté
A bien plus d'éclat que la mienne ;
Mais il se peut que je convienne
A quelque ami de la simplicité.
Et puis, être jolie est tout votre mérite ;
Quand vous tombez, rien ne reste de vous ;
Tandis qu'au sein de ma fleur plus petite
Il naît un fruit vermeil et doux,
Aussi beau que la rose, aussi parfumé qu'elle,
Un fruit d'un goût délicieux,
Digne d'une bouche immortelle,
Qui charme le palais, l'odorat et les yeux.
Vous vous vantez par trop d'un éclat inutile ;
Je suis féconde, moi ; vous, vous êtes stérile.
Qui donc l'emporte de nous deux ?
Ainsi, cessez, ma toute belle,
Cessez de faire tant de bruit
D'une beauté qui n'est pas naturelle,
Qu'on n'obtient qu'aux dépens du fruit. -

Livre II, Fable 15




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