La Chasse au Miroir Jean Héré (1796 - 1865)

Aux jours frais de l'automne, alors que la nature
Sème sa robe de verdure
Des perles des premiers frimas,
Alors que le fil de la vierge
Forme comme une blanche serge
De tissus qu'on rompt sous ses pas,
Le chasseur qui constamment rêve
Nouveau gibier, exploits nouveaux,
Sitôt que le soleil se lève,
S'élance par monts et par vaux.

Sur un tertre enfin il s'arrête,
D'où le regard au loin s'étend ;
C'est là que ses filets il tend
Et que ses engins il apprête.
Sur un pivot il fait mouvoir
Un miroir à mainte facette,
Et le vif éclat qu'il projette
Attire vers lui l'alouette
D'aussi loin qu'elle peut le voir.
Par un mystérieux pouvair,
Le pauvre oiseau plane et voltige
Dans les feux du miroir trompeur,
Et, comme saisi de vertige,
Lui-même se livre au chasseur.

Il n'est pas que les alouettes
Que l'on prenne ainsi par les yeux ;
On prend de même les coquettes
Et les hommes ambitieux.
La vanité, dit-on, est le défaut des belles !
En cela nous les égalons ;
Les croix, les honneurs, les galons
Font tourner autant de cervelles
Que les bijoux et les dentelles.

Livre II, Fable 14




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