Voyez-vous se dresser ce long mât de cocagne,
Qui porte à son sommet un riche prix qui pend ?
Ce prix si désiré, celui-là seul le gagne
Qui peut au haut du mât parvenir en grimpant.
Un jeune impatient d'abord se précipite,
Enlace l'arbre de son corps,
Des pieds, des mains fait mille efforts
Pour s'élever. Chacun l'encourage et l'excite ;
Mais une couche de savon
Dont on a graissé tout du long
De l'arbre la surface lice,
Fait qu'à chaque moment il glisse.
Épuisé d'efforts superflus,
Il se retire de la lice.
Un second s'élève un peu plus,
Un troisième un peu davantage ;
Mais tous lassés, perdant courage
Avant d'arriver jusqu'au bout,
Descendent aux éclats d'une foule moqueuse.
Pourtant la couche savonneuse
Adisparu presque partout.
Un nouveau concurrent à ce moment s'avance,
Leste, frais et dispos, qui, sans perdre un moment,
Sur le mât essuyé grimpe résolument.
Il parvient au sommet de l'arbre qui balance,
Au milieu des bravos ; et, sans plus de façon,
Détache avec le prix un superbe jambon.
Pour atteindre un but dissicile,
On voit toujours le plus habile
Laisser essuyer le savon.