Ne lions amitié jamais avec un traître ;
On ne s'en trouve jamais bien.
Médor avec Raton avaient un commun maître.
Médor, bon chien de chasse et fidèle gardien,
Était admis à la cuisine.
C'était trop d'honneur pour un chien.
Raton qui n'était bon à rien,
Mais qui portait soyeuse hermine,
Avait les honneurs du salon.
Il ne savait rien faire, et pour cette raison,
Il avait droit à la meilleure place.
C'est ainsi que cela se passe
Chez tous les animaux, quadrupèdes ou non.
Pourtant, messire de Raton,
Quoiqu'il fût grand seigneur, était assez bon prince,
Et, ce qui n'était pas, certe, une faveur mince,
Il parlait au chien sur le ton
D'une douce amitié. Naturellement bon,
Médor devait s'y laisser prendre.
Il conçut pour le chat l'amitié la plus tendre ;
L'admettait même à ses repas,
Quand il avait parfois quelque mets présentable.
Les bons amis se font à table.
Enfin on ne les voyait pas
Vivre entre eux comme chiens et chats,
Mais en bons commensaux. Cependant une chose
Attristait souvent notre chien :
Jamais à la cuisine il ne se prenait rien
Sans que Médor fût mis en cause.
Son crime était toujours prouvé,
Car toujours on avait trouvé
Des débris dans sa niche. Une verte algarade
Lui revenait alors avec la bastonnade.
Le chat tout le premier plaignait son camarade.
Qui soupçonner ? Personne ; ils étaient seuls admis
Dans la maison. Comment soupçonner des amis !
Médor voulut pourtant en avoir l'âme nette.
Comme il connaissait la cachette,
Où mainte fois il avait vu
Mettre en rentrant le pot de glu,
Un jour il s'en empare et le verse en sa niche,
L'écarte, l'étend tout du long,
Depuis la porte jusqu'au fond ;
Puis il part pour la chasse. Emportant un pigeon,
Le chat vient répéter sa scélérate niche.
A peine est-il entré dans la maison du chien,
Qu'il se sent retenu par les pieds, par la tête,
Et même par la queue ; il ne lui sert de rien
De faire mille efforts ; la criminelle bête
Ne peut se dégager de la glu qui l'arrête,
Et la force à rester dans sa position.
Médor survient alors et voit la triste mine
Du fourbe revêtu d'hermine.
Transporté de colère à cette trahison,
Il lui saute dessus et lui brise l'échine.
La perfidie enfin à sa punition.
Un chat est toujours chat, et sa douce fourrure
Pas plus que son œil doux ne change sa nature.
Il faut s'en défier ; c'est ma conclusion.