Les Fleurs sans parfum Camille Viala (19è siècle)

Au milieu même des hivers,
Par des soins nombreux et divers,
Un amant généreux de Flore
Produisait les aimables fleurs
Dont l’été même se décore :
Elles plaisaient aux yeux par leurs vives couleurs.
Et l’on croyait les voir sourire à l’atmosphère,
Une charmante enfant, un jour avec sa mère,
Devait, parmi ces fleurs, se choisir un bouquet,
Ce jour vint : au jardin elle arrive joyeuse :
Et vive abeille, court de la rose à l’œillet,
Du myrte au réséda, se formant, la glaneuse,
Avec art un bouquet frais, brillant, diapré,
Comme aux jours souriants d’un beau ciel tout doré.
Elle le contemple et l’admire,
Quelle charmante rareté !
Elle y revient, dix fois le respire.,,,
Mais quoi ! quelle fatalité !
Comment ?… Ces fleurs si ravissantes,
Et si splendides de fraîcheur,
Aux essences si pénétrantes
Naguère, ont perdu leur senteur !…
Les voilà sans parfums ! cet esprit de leur vie…
Leur véritable gloire est donc évanouie ?»
Bonne mère, dis-moi, d’où leur vient ce malheur ?
C’est que, ma chère enfant, lui répondit sa mère,
A ces fleurs manque le soleil ;
Leur existence dégénère :
Elles brillent encor d’un éclat tout vermeil,
El pourtant dans leur sein tout est mélancolie
Il ne renferme plus qu’une âme refroidie :
Qu’un bienfaisant soleil de ses tendres rayons,
Vienne les animer, et ces fleurs généreuses,
Te charmeront encore en exhalant, heureuses,
D’exquises émanations.
Il en advient ainsi de l’existence humaine :
Pour qu’elle soit puissante et pour qu’elle soit pleine,
Il faut à notre vie un soleil radieux !…
Un rayon dans nos cœurs, un doux rayon sur eux.
Sur le cœur de la femme ?…
D’un époux bien-aimé
La bienfaisante flamme :
Sur le cœur alarmé
D’une mère attendrie ?
La douce piété
De son enfant chérie ;
Sur tout homme attristé
Perdant son énergie ?…
La divine pitié
Qui soutient vivifie :
Et sur une âme amie ?…
Un rayon d’amitié :
Plus de vide dès lors, plus de vide en la vie,
D’un accablant ennui le jour est racheté.

Patriotisme, amour, dévouement, charité,
Pour le bien et la belle toute grande entreprise
Dont une âme élevée est noblement éprise,
Sont pour l’humanité des soleils bienfaisants
De la vie échauffant jusqu’aux derniers instants.

Livre I




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