Les Fleurs Ivan Krylov (1768 - 1844)

Sur la fenêtre d'un palais,
Dans des vases dorés éclatants de peinture,
De fausses fleurs brillaient auprès
De fleurs filles de la nature,
Et, balançant dans l'air leurs tiges de métal,
Affectaient d'étaler un orgueil sans égal.
Tout à coup survient un orage.
On les entend alors se plaindre au roi des cieux
Qu'à leur tissu si précieux
Celte eau qui tombe est un outrage,
Et, contre elle entassant l'injure et le mépris :
« Jupiter! s'écriaient-elles,
Cette eau va nous porter des atteintes mortelles ;
Pour qui peut-elle avoir du prix?
Est-il plus grand fléau ? Tiens, vois, la foule accrue
Déjà s'efforce en vain de traverser la rue,
Et ses flots débordés apportent par monceaux
Sous les pieds des passants la fange des ruisseaux. »

Mais Jupiter fut sourd à leur vaine prière ;
L'eau, tout le jour, tombant sur la contrée entière,
Dissipa la chaleur dans les airs embrasés,
Et rendit la verdure aux rameaux épuisés.
La nature affaissée enfin sembla renaître,
Et, dans l'air plus doux et plus frais.
On vit alors sur la fenêtre
Les filles du Printemps ranimer leurs attraits ;
Mais les fleurs de satin, filles de l'Imposture,
Dans un coin de la cour, allaient, deux jours après,
Cacher leurs débris sous l'ordure.
Aux censeurs qu'il sait affronter,
Parfois le vrai talent doit des grâces nouvelles;
Si la pluie est à redouter.
Ce n'est qu'aux fleurs artificielles.

Livre V, fable 3




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