L'Incendie et le Diamant Ivan Krylov (1768 - 1844)

Un feu, faible étincelle en un instant grandie,
Précipitant sa flamme, un soir, avait produit.
Vers heure sombre de minuit , Un vaste et terrible incendie.
Au milieu du tumulte , un diamant perdu
Voyait ses feux brillants se ternir sous la cendre,
Et parmi les débris se trouvait confondu.
« Eh bien, dit l'incendie, oserais-tu prétendre
Qu'à ma vive et large clarté
On puisse comparer ton éclat si vanté?
Pour deviner ton importance ,
11 faut vraiment bien du métier!
Parais-tu plus à l'œil qui te voit à distance
Que la goutte de pluie et le verre grossier
Où le soleil et moi, par faveur singulière.
Daignons faire jouer nos rayons de lumière ?
Pour toi, tout est malheur, il le faut confesser,
Car un ruban, un rien suffit pour t'éclipser ;
Qu'un cheveu, par hasard, autour de loi s'enroule,
Il rendra ton éclat invisible à la foule.
Pour éteindre mes feux, il faut d'autres efforts!
Quand, poussé par le vent, de mes fureurs complice,
Dans mes langues de feu j'enlace un édifice,
Les hommes contre moi ne sont plus assez forts.
Ma flamme, que chacun redoute,
Sur le sol brise , avec fracas,
Tout obstacle qui, sur ma route,
Semble vouloir gêner mes pas.
Mes sanglantes lueurs, colorant les nuages,
Jusque dans les hauteurs des cieux
Montent dénoncer mes ravages,
Et sèment la peur en tous lieux
— Mon éclat , près du tien, sans doute est peu de chose,
Répond le diamant ; mais jamais , Dieu merci.
Nul ne pourrait citer un mal dont il soit cause,
Et ce n'est qu'au jaloux qu'il donne du souci.
Tu brilles , mais tu te fais craindre ;
De ruines toujours ton éclat est suivi ;
Aussi, vois combien pour l'éteindre
Chacun ici s'empresse et s'unit à l'envi.
Pour tout anéantir, quand ton feu se déchaîne.
Plus ta fureur s'accroît, plus ta fin est prochaine. »
De la foule, en effet, l'innombrable concours
Des flammes, à l'instant, vint arrêter le cours.
Quand parut le matin , leur rage comprimée
N'exhalait plus dans l'air qu'une infecte fumée ;
Mais, sauvé des débris, le riche diamant,
Retrouvant au grand jour sa valeur sans égale,
De la couronne impériale
Devint le plus bel ornement.

Livre V, fable 2




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