— Ma foi, mon cher entant, une affaire maudite,
Disait le grand papa du petit Hippolyte,
Qui, le premier janvier, tout en balbutiant,
Lui débitait son petit compliment,
Une affaire (ah ! combien j'en éprouve de peines)
M'a fait totalement oublier tes étrennes !
Mais tranquillise-toi, je m'en vais de mon mieux
Parer à cet oubli fâcheux.
Tiens, dit-il, en tirant d'un riche secrétaire
Un vieux billet de banque entouré de festons :
Tiens, prends, mon bon ami, voici ce qui, j'espère,
Vaut mieux, crois-moi, que les meilleurs bonbons.
— Eh ! bien, Monsieur, reprit la gouvernante,
Ne remerciez-vous point votre bon grand-papa ?
L'œil fixe et la bouche béante
Le petit Hippolyte immobile resta ;
Une larme perlait déjà sous sa paupière,
Lorsqu'un grand personnage entrant
Mit fin à cette scène et fit que notre enfant
Fut sur-le-champ reconduit à sa mère.
— Déjà, dit la maman, quoi ! déjà te voici ?
As-tu du grand-papa reçu bonnes nouvelles ?
Dis-moi, mon cher enfant, es-tu content de lui ?
Il a dû te donner des étrennes bien belles !
Mais qu'as-tu donc ? Pourquoi cet air boudeur ?
Approche, embrasse-moi, mon petit Hippolyte,
Et conte-moi les peines de ton cœur.
Ne t'a-t-il rien donné ? Dis-le moi donc bien vite ?
— Si… — Mais quoi donc ? Poussant péniblement
Un long soupir du fond de son âme ulcérée :
— Il m'a… donné… dit-il, en sanglotant,
Cette vilaine image à moitié déchirée.
Avares, ô vous, qui prenez soin d'enfouir
Des trésors dont jamais vous ne saurez jouir,
Si de vos rouleaux d'or l'aspect qui vous captive
N'a pas chez vous détruit tout-à-fait la raison,
De cet enfant sondez la réponse naïve,
Et répondez ensuite à cette question :
Si l'argent ne vous sert, à quoi vous est-il bon ?