Un beau matin, certain enfant,
Se livrant aux jeux de son âge,
Dirigeait dans les airs un léger cerf-volant
Qui, comme c'est assez l'usage,
Car l'élévation nous aveugle souvent,
Enflé d'orgueil encor plus que de vent,
Se croyait un grand personnage,
Et s'imagina follement
Pouvoir, dans les plaines du vide,
Se soutenir facilement
Sans liens et sans guide.
« À quoi bon, disait- il,
« Être comme un esclave,
« Retenu par ce fil
« Qui m'oppose une entrave
« Que resserre à son gré le marmot le plus vil ?
« Si, comme les oiseaux, dans un juste équilibre,
« Je franchis l'air d'un vol majestueux,
« En brisant un joug odieux,
« Comme eux aussi, pourquoi ne pas devenir libre ? »
À l'instant même il s'abaissa,
Et, par une secousse forte,
En se relevant fit en sorte
Que son fil se cassa.
Quel fut le fruit d'une telle imprudence ?
Jouet des aquilons, ce pauvre cerf- volant
Haussant,
Baissant,
Caracolant,
Se débat quelque temps contre leur violence :
Sa folle résistance augmente encor ses maux "
Il sort tout déchiré de cette vaine lutte,
Et bientôt, n'offrant plus que de tristes lambeaux,
Fait la plus honteuse culbute.
Son exemple devrait vous servir de leçon,
Jeunes gens qui voyez, souvent, comme une chaîne,
Le fil heureux dont se sert la raison
Pour diriger vos pas quand l'erreur vous entraîne.