La Rose et la fausse Fleur Pierre Duputel (1775 - 1851)

Une rose, ouvrage de l'art,
Près d'une rose naturelle
Se trouvant un jour, par hasard,
Sur la toilette d'une belle.
« En honneur ! comment supposer,
D'un ton suffisant, lui dit-elle,
« Qu'avec moi vous puissiez oser
<< Entrer jamais en parallèle ?
De peur de vous humilier,
« Je me tais sur votre naissance :
« Car d'où sortez-vous ?.... du fumier.
« Au lieu que moi, voyez la différence,
« Dans un élégant atelier,
« Je nais de l'heureuse alliance
« De la mode et du dieu du goût.
<< Mais je n'ai point d'orgueil de ma noble origine
« Ce qu'en moi j'estime sur- tout,
« Lorsque de près je m'examine,
« C'est que comme vous je n'ai pas
« Mainte et mainte fâcheuse épine,
« Qui nuisent tant à ces frêles appas
« Que vous reçûtes en partage,
« Et dont le vain éclat disparaît en deux jours,
« Lorsque les miens, à l'abri de l'outrage
« Du dieu qui détruit tout dans son rapide cours,
« Des hommes m'attirent toujours
« Un sincère et constant hommage.
« Aussi voit- on les plus fières beautés
« Avoir recours à moi pour briller dans les fêtes,
« Et me rendant des honneurs mérités,
« Avec orgueil me placer sur leurs têtes.... »
Lasse, à la fin, de tout ce vain babil,
« C'est fort bien, lui repart des fleurs l'aimable reine,
« Cependant votre sein, comme le mien, peut-il
« Du zéphir embaumer l'haleine ?
« Les titres qu'à l'instant vous venez d'alléguer,
<< Sont tous fondés sur l'imposture ;
« Mais les amis de la nature,
« De vous, par mon parfum, savent me distinguer. »

Couvert d'un masque aimable, un hypocrite, un traître,
Peuvent par leurs dehors en imposer aux yeux,
Les bonnes actions de l'homme vertueux,
Sont le parfum qui le fait reconnaître.

Fable 13




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