Une rose, ouvrage de l'art,
Près d'une rose naturelle
Se trouvant un jour, par hasard,
Sur la toilette d'une belle.
« En honneur ! comment supposer,
D'un ton suffisant, lui dit-elle,
« Qu'avec moi vous puissiez oser
<< Entrer jamais en parallèle ?
De peur de vous humilier,
« Je me tais sur votre naissance :
« Car d'où sortez-vous ?.... du fumier.
« Au lieu que moi, voyez la différence,
« Dans un élégant atelier,
« Je nais de l'heureuse alliance
« De la mode et du dieu du goût.
<< Mais je n'ai point d'orgueil de ma noble origine
« Ce qu'en moi j'estime sur- tout,
« Lorsque de près je m'examine,
« C'est que comme vous je n'ai pas
« Mainte et mainte fâcheuse épine,
« Qui nuisent tant à ces frêles appas
« Que vous reçûtes en partage,
« Et dont le vain éclat disparaît en deux jours,
« Lorsque les miens, à l'abri de l'outrage
« Du dieu qui détruit tout dans son rapide cours,
« Des hommes m'attirent toujours
« Un sincère et constant hommage.
« Aussi voit- on les plus fières beautés
« Avoir recours à moi pour briller dans les fêtes,
« Et me rendant des honneurs mérités,
« Avec orgueil me placer sur leurs têtes.... »
Lasse, à la fin, de tout ce vain babil,
« C'est fort bien, lui repart des fleurs l'aimable reine,
« Cependant votre sein, comme le mien, peut-il
« Du zéphir embaumer l'haleine ?
« Les titres qu'à l'instant vous venez d'alléguer,
<< Sont tous fondés sur l'imposture ;
« Mais les amis de la nature,
« De vous, par mon parfum, savent me distinguer. »
Couvert d'un masque aimable, un hypocrite, un traître,
Peuvent par leurs dehors en imposer aux yeux,
Les bonnes actions de l'homme vertueux,
Sont le parfum qui le fait reconnaître.