Le Cerf-volant et sa Corde Le Marchant de Viéville (17?? - 18??)

Un magnifique Cerf-volant,
Loin d'entretenir la concorde
Avec la Corde
Qui le tenait solidement,
Un jour eut la sottise extrême
Au plus haut degré parvenu,
Dans le vague des airs par elle maintenu,
D'injurier la Corde même.
« Ah ! quel étrange égarement !
Autant d'arrogance m'étonne,
Lui dit-elle : « mais je suis bonne,
Et je veux te tirer de cet aveuglement.
Ecoute : ton humeur altière
Blesse en tout le raisonnement.
Peux-tu seul t'élever vers le disque éclatant
Qui produit la lumière ?
Jouet du moindre vent,
À peine soulevé de terre,
Tu rentrerais dans la poussière
Par ton poids seulement.
La résistance que j'oppose
A l'air qui s'engouffre sous toi,
Conserve l'équilibre, et soumis à sa loi,
Tu fends l'air, et j'en suis la cause. »
Avec les orgueilleux
Prouver qu'on a raison, c'est augmenter leur rage.
Le Cerf- volant devient plus furieux
Et fait un horrible tapage ;
Il se débat, la corde rompt.
En vain alors le Cerf-volant s'afflige :
Au gré du vent notre orgueilleux voltige,
Et vient enfin s'abattre en un bourbier profond.

Vous qui ceignez le diadème,
N'imitez pas le Cerf-volant :
Le peuple est la Corde elle-même,
Du sien votre bonheur dépend.

Livre II, fable 3




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