Les deux Chiens Édouard Granger (19ème siècle)

« Ma foi, c'est bien heureux! dit en grognant Martin
A son ami César : Quoi ! je donne un festin
Auquel je t'invitai, je crois, huit jours d'avance,
Et tu viens bravement quand nous avons fini !
Qui donc t'apprit la bienséance?
Contre un mauvais dîner l'as-tu donc prémuni ?
Je ne sais que penser ; ceci me parait louche,
Car je te sais porté quelque peu sur ta bouche. »
— Non. fit César, il n'en est rien ;
La preuve c'est que, foi de chien,
J'éprouve en cette circonstance
La faim, le plus cuisant des maux. »
Et, cela dit, César vu, pour toute pitance,
Ronger les os.
A quelque temps de là, pur doux loups formidables
Martin fut assailli de ses cris lamentables
Il fait retentir les échos !
Il allait, succomber sa mort était certaine
Mais l'amitié veillait de Martin aux abois
César a reconnu la voix
Sans perdre une seconde, il traverse la plaine,
Il accourt, il arrive et s'élance en fureur
Sur les doux loups; surpris pur ce rude agresseur,
Ils lâchent Martin qui, n'écoulant que sa rage,
Saisit à la gorge un des loups
Et l'étrangle à l'instant. Pour l'autre, avec courage
Il luttait ; mais César, vers le sombre rivage
Le fait descendre sous ses coups.

Pour un festin ton ami te convie :
Sois en retard ou non, n'en fais qu'à ton loisir ;
Mais le malheur l'atteint, on menace sa vie :
Hâte-toi d'accourir.

Livre I, fable 17




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