Un gros bélier grave et superbe
Qui tout tranquillement broutait,
Vit tout à coup rodant dans l'herbe
Le jeune chien qui le gardait.
Le vieux bélier d'un air paisible
Lut dit : « Vois-tu mon bravo chien
Si pour nous tu voulais être un bon gardien,
Là-haut sur ce rocher que je crois accessible,
Tu devrais aller te poster ;
Tu verrais bien mieux dans la plaine
Tout le bétail qu'ici l'on fait brouter,
Tandis qu'en tournoyant toujours près de ce chêne
Tu risques d'être tout à coup,
Bien surpris par messir loup. »
Alors le chien lui dit : « Ecoute, bonne bête
Ton cœur est bon, mais tu n'as pas de tète !
Tu n'es certes pas fait pour me faire la loi.
Broute ce frais gazon, celte belle bruyère
Et garde cher ami tes bons conseils pour toi !
Va je sais, crois-le bien, tout ce quo je dois faire :
Je dois rester ici sur le bord du ruisseau,
Si le loup sort de son repaire,
En voyant poindre mon museau,
Il s'enfuira loin du troupeau ;
Oh ! pour cela, la chose est claire.
Si suivant ton conseil, je courais mo percher
Au loin, là-haut sur ce rocher,
Le loup pourrait ravir sans peine
Quelque pauvre mouton à l'écart dans la plaine.
Voir le danger de loin, ne me suffirait pas
Pour le garantir du trépas. »
Souvent chez les humains arrive même affaire;
De donner des conseils, tel veut faire métier
Qui d'après ce qu'on dit partout dans son quartier,
Au lieu de tant parler, ferait mieux de se taire.