Le Lion et le Bélier Anne-Marie de Beaufort (1763 - 1837)

Un mouton expirait sous le fer d'un boucher,
Et le troupeau voyait, de la prairie,
Mourir ce jeune ami, ce compagnon si cher,
Né dans la même bergerie,
Paissant les mêmes prés, buvant de la même eau
Que tout le reste du troupeau.
De plaintifs bêlements expriment leur tristesse.
Un Lion passe, au Bélier il s'adresse :
— Quoi ! lui dit-il, un si funeste sort
» N'excite en vous qu'une douleur stupide !
» Livré bientôt à ce glaive homicide,
» En lâche, à votre tour, vous recevrez la mort !
» — Ah ! reprit le Bélier, si la bonté suprême
» Nous laissa sans défense en un commun danger,
» Il n'est faible ennemi qui ne trouve en lui-même
» Quelque moyen de se venger.
« L'homme, il est vrai, nous ravit notre laine,
» Il se nourrit du mouton, de l'agneau ;
» Mais qui peut contre lui mieux servir notre haine
» Que l'usage de notre peau ?
» Elle conduit les soldats à la guerre,
» De la chicane elle sert les détours,
» Et nous sommes vengés de l'homme sanguinaire,
» Par les procès et les tambours.





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