Le Paon, le Dindon et l'Oie Anne-Marie de Beaufort (1763 - 1837)

Près d'une grange où le blé répandu
Attirait l'espèce emplumée,
Pressé par l'appétit un Paon s'était rendu.
Mais plus jalouse que charmée,
La troupe, avec des ris moqueurs,
Reçoit l'oiseau qu'Iris para de ses couleurs.
Le Paon à leurs regards déploie
L'arc-en-ciel de Son cou, et d'opale et de soie ;
Et de sa riche queue un plumage brillant
Étale autour de lui son disque étincelant.
Beau de candeur autant que de parure,
Il ignorait l'envie ; elle agite, murmure,
Recherche ses défauts, car nous en avons tous,
Et pour les découvrir il n'est tel qu'un jaloux.
— Ami, dit le Dindon, vainement tu te flattes
» De passer parmi nous pour un superbe oiseau ;
» J'en conviens, ton plumage est beau,
» Mais considère un peu tes pattes. »
Et l'Oie aussitôt d'ajouter :
— Ses pattes !… ce n'est rien… prions-le de chanter. »
— Il est vrai, dit le Paon, que mon seul avantage
» Est dans l'éclat de mon plumage ;
» Je n'ai pas le bonheur d'imiter dans mes chants
» Les sons de l'oiseau du printemps,
» Et mes pattes ne sont pas belles ;
« Mais si le Dindon les avait,
» Si l'Oie encore plus mal chantait,
» Ce serait chez eux bagatelle ;
» On n'y prendrait pas garde. Ah ! toujours la beauté,
» En excitant l'envie, attire la critique ;
« Tandis qu'à la perdre on s'applique,
« La laideur est en sûreté. »

Ô vous qui de charmer avez le privilège,
Sachez y joindre encore esprit, vertus, talents ;
Vos plus légers défauts deviennent apparents,
Comme une tache sur la neige.





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