Beauté n'a pas talisman qui protège,
Pour rendre invisible un défaut :
Non, bien s'en faut, car le plus lourd pataud
Aperçoit un point sur la neige.
Près d'une grange, en une basse cour
Amené par la faim, un Paon piquait grenaille,
Avec poules, poulets, et toute la volaille
Qui de la ferme habitait le séjour.
Tous le voyaient avec un œil d'envie,
Et se moquaient de son royal manteau.
Lui, sachant sa valeur, en son âme ravie
Trouvait plaisir plus grand à se poser en beau.
Aussi tandis qu'ils font la moue,
Majestueusement lui de faire la roue.
Son plumage au soleil resplendit radieux,
Et leur éblouit l'œil comme un rayon des cieux .
Mais l'œil hors de combat, il leur reste la langue...
Maître Dindon ainsi commence la harangue :
"Dieu qu'il est vain, " dit-il, "quel orgueilleux oiseau !
C'est à vous échauffer la bile !
Etale ton habit ! La doublure, imbécile,
Est, et restera noire . . . et blanche est notre peau ! ”
A ce méchant propos dame Oie
D'ajouter en sifflant :" voyez donc, mes amis,
Et sa jambe et son pied ; au tour on les a mis,
Mais patatras, sans doute la courroie
S'est cassée en courant, il est resté pied-bot ;
Puis écoutez le son qui sort de son goulot !
Est-il rien de plus laid, de plus abominable ?
Le Hibou même a peur de ce cri déplorable."
"Ce sont là des défauts, c'est vrai, " reprit le Paon,
“Je livre à vos dédains mes fuseaux et ma patte,
Et ma voix qui ressemble assez au cri de chatte,
Mais pourquoi mépriser mon magnifique écran ?
Mes jambes, sachez-le , soutiendraient Dindon, Oie,
Vous feriez tous les deux ces cris d'oiseau de proie,
Que ces défauts, en vérité
Vous pourriez les porter avec impunité.
Aveugle à la beauté même la plus visible,
L'esprit d'un envieux met son attention
A mettre au jour chaque imperfection,
Jamais à la justice il ne sera sensible.
Ainsi j'ai vu dans les salons
Une nymphe à la fois modeste et gracieuse,
De la laideur éveiller les Frelons,
Et passer tour-à-tour sous leur langue moqueuse."