De nos froids et tristes climats,
La chaleur s'était retirée.,
Et sur nous la bise et borée,
Avaient soufflé leurs noirs frimas.
D'un froid trop rigoureux cruellement atteinte,
Une ruche avait vu par la rigueur du temps,
Quand la mort décimait ses rangs,
La réserve d'hiver à rien, aussi restreinte.
Force était d'aller au dehors
Implorer des sœurs plus heureuses,
Et qui de la fortune allégeraient les torts.
Pour des abeilles travailleuses
Quelle cruelle extrémité !
Mais où ne conduis-tu, dure nécessité ?
Ayant souffrante et triste mine,
Le peu qui sait à la mort échapper,
À la ruche la plus voisine
En émigrantes va frapper ;
Mais le peuple entier les repousse,
Dans ce monde à chacun sa part,
Leur répondent en chœur,, celles que le hasard
Sauva de semblable secousse. -
Ne le savez-vous pas ? Si fermant les abords
D'une ruche ou malgré d'inutiles efforts,
Nulle autre que nous ne pénètre,
Nous refusons d'ouvrir. c'est par esprit de corps,
Loi facile, à laquelle en gens de mêmes bords
Toutes aimons à nous soumettre.
C'est comme une famille, et jamais étranger
Ne peut chez nous prétendre à se loger.

On rencontre souvent esprit de corps semblable,
A ce qu'on voit en cette fable.
C'est chez ceux-là surtout qui contre un chargement,
Sont trop faibles isolément ;
Qui sentent que pour eux ils gardent mieux la place,
Lorsqu'aux nouveaux venus ils s'opposent en masse.
Je voudrais qu'en ce point chacun d'eux rassuré,
Sur ce corps qu'il défend eut moins d'inquiétude ;.
Bien souvent par celui qu'une sotte habitude
Lui dit de repousser, il serait honoré.

Livre IV, fable 10




Commentaires