Par la faim certain ours chassé hors des forêts
Et dans la plaine errant cherchait si d'aventure
Il ne trouverait point en route quelque mets
De taille et de mesure
A pouvair de sa faim apaiser la torture.
On sent que ce n'était ni chapon, ni、 canard,
Ni poule, ni poulette,
Ni de quelque perdrix la viande tendrelette,
Enfin aucun gibier on morceau de renard,
Mais bien quelque génisse,
Un porc, un bœuf de sacrifice,
Et, faute de tels plats, un pâtre, un voyageur,
Même quelque cadavre à la fétide odeur
Que sur l'heure il fallait à l'appétit du sire.
Au lieu de tout cela le féroce brigand
Voit une ruche, et la prenant
Pour une proie : enfin, se dit-il, je respire,
Nous allons donc manger. En murmurant ces mots,
Le monstre sanguinaire
Du dôme mellifère
S'approche et joyeux et dispos.
Déjà son âpre langue à l'entour se promène ;
Sous son bruyant contact la ruche retentit,
L'alarme s'y répand, le peuple est en haleine.
Un espion ailé de l'enceinte jaillit ;
Quelques instants dans l'air il voltige, il circule ;
Voit l'ennemi, le tourne et le pique aux naseaux.
Tout à coup transporté d'un courroux ridicule,
L'horrible montagnard foule et met en lambeaux
Et les trésors et la fabrique
De la gent mellifique.
Sur le vandale destructeur
La troupe au corset d'or, escadron de l'Hymette
Et s'élance et se jette,
Et de maint aiguillon vengeur
En mille et mille endroits le perce.
L'insensé contre la douleur
S'armant d'une aveugle fureur
En vain s'agite, se renverse,
Se roule et se déchire et l'un et l'autre flanc ;
De l'abeille irritée il demeure la proie :
Elle nage, s'enivre et meurt même avec joie ;
Dans les flots de son sang
Et le monstre percé d'un million de traits
S'en retourne en hurlant expirer aux forêts.
D'une offense légere
Tel qui veut se venger
Ne parvient au contraire
Qu'à se faire égorger.
L'ennemi qui paraît le moins considérable,
À d'autres s'unissant, devient très redoutable.
En tout temps, en tout lieu, de qui l'ose outrager
Le mortel le plus faible a de quoi se venger.