Les ruches, au printemps, se trouvant mal pourvues,
Les chefs des animaux, afin qu'on en prît soin,
D'un inspecteur avaient besoin.
Et déjà sur un ours avaient jeté leurs vues.
Certe un choix si bizarre était peu de saison :
A parler ici sans malice.
Chacun sait que Michka' du miel fait son délice ;
Mais peut-on chez la brute exiger la raison ?
Maints candidats plus sûrs, pour obtenir la place,
Avant lui s'étaient présentés;
Mais, ô dérision ! les électeurs en masse.
Pour favoriser l'ours, les avaient écartés.
Un malheur arriva : Michka dans sa tanière
Emporte un jour le miel! Devant pareil excès,
Chacun crie au scandale; en forme régulière,
A l'effronté voleur on intente un procès ;
On le chasse; il est dit par ordonnance expresse
Que Michka, tout l'hiver, chez lui sera reclus ;
On verbalise, on plaide, et l'on écrit sans cesse.
Mais tout le miel lui reste, et l'on n'en parle plus.
Quant au petit Michka, voyez comme il se traite :
Prenant congé du monde et de ses vanités,
11 tient ses membres chauds de tout vent abrités
Et se confine en sa retraite.
Chez lui, tout à l'aise en rêvant,
Il lèche le doux miel dont sa patte est garnie ;
Pour se remettre en mer, la tempête finie,
Mon Michka n'attend qu'un bon vent.
Michka est un diminutif de Michel. C'est le non donné à l'ours, en Russie, par les gens du peuple.