L'Ours, le Loup et la Biche Adine Joliveau (1756 - 1830)

- La Biche absente, emporter son enfant
Barbare arrête. Au ciel il n'est point de justice,
Ou ce forfait est digne de supplice ;
J/Ours ainsi parle au Loup qui ravissait un faon
1::t pour prouver le crime, il cite cent passages
D'auteurs fameux, atteste les sept Sages.
La proie entre les dents, riant du discoureur,
Le Loup vers la forêt s'enfuyait en vainqueur:
Lorsque faible de corps, mais forte de courage
Et du cruel bravant la rage,
La mère accourt, fond sur le ravisseur,
S'efforce à détourner sur elle le malheur
Qui d'un fils menaçait la tête ;
L'Ours cependant; mère Insensée arrête!
Arrête... Tu péris sans sauver ton enfant !
Pour guide elle ne suit que le seul sentiment,
S'expose à tout : blessée elle s'en félicite ;
Son dévouement du loup a suspendu la fuite,
Elle a gagné du temps ; survient un gros mâtin,
Un vrai César aux ravisseurs terrible,
Ne remettant jamais d'affaire au lendemain.
La mère émeut son cœur sensible.
Les cris qu'écho redit cent fois,
Pour le Loup sont autant Je menaçantes vois .·
II s'effraye, il veut fuir sans lâcher sa victime ;
Notre Chien le combat, le réduit aux abois,
Il a subi la peine de son crime.
– Ah! j'aurais triomphé dit le Loup expirant,
Et ma faim sur ce faon se verrait assouvie,
Si, livrant son esprit à la philosophie,
La mère eût cru de l'Ours le froid raisonnement,
Plutôt que la chaleur d'un tendre sentiment.

Livre II, Fable 5




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