Esope, Jupiter et les Oiseaux Éliphas Lévi (1810 - 1875)

Un jour, les habitants de l’air
Sur un grand cèdre s’assemblèrent
Pour rendre hommage à Jupiter.
Tous ensemble ils se consultèrent.
Aucun d’eux n’avait vu ce monarque des dieux.
Le moyen de le reconnaître ?
Un hibou leur dit : - C’est peut-être
Un oiseau qui la nuit fait rayonner ses yeux.
- Non, c’est un aigle immense entouré de tonnerres,
Qui tient l’orage dans ses serres,
Leur dit l’aigle avec un grand cri.
- Moi, reprit un beau colibri,
Je le rêve paré de couleurs éclatantes,
Avec des aigrettes flottantes,
Mais doux, agile et très mignon.
La tendre et pâle tourterelle,
Et le ramier son compagnon,
Le veulent beau, tendre et fidèle.
- Est-il sûr qu’il soit un oiseau,
Dit la chauve-souris sceptique ?
Le bœuf croit que c’est un taureau,
Et la baleine en fait un prodige aquatique.
L’éléphant indien dit : - C’est un éléphant
Qui porte et fait tourner le monde.
L’homme voit en lui un roi qui menace et qui gronde,
Et la femme un divin enfant.
- Que faire en ce doute invincible ?
- Pour qu’il reçoive nos attributs,
Prêtons-lui tous les attributs
Et sachons qu’il est invisible…
Un dindon crie alors à la stupidité.

Esope fut enfin consulté.
- Ne cherchez pas à le connaître,
Leur dit ce docte esclave inspiré d’Apollon ;
Mais croyez qu’il est juste et bon,
Et comme lui tâchez de l’être.

Livre I, fable 25


Symbole 25 :

L’être, le mouvement perpétuel résultant des forces équilibrées, la vie et ses lois, la nature enfin, tel est le résumé des symboles de notre premier livre. Mais la vie est intelligente, la nature obéit à une direction suprême, nous le sentons, nous sommes forcés de le croire. Cette direction émane d’une cause suprême, d’une cause inconnue, nous nous inclinons et nous nommons Dieu.
Tout n’était que chaos et confusion dans nos pensées, l’affirmation et la négation se heurtaient, le doute mortel succédait aux luttes insensées des forces sans direction ; nous avons nommé Dieu, et la science prend un corps, la pensée humaine s’organise, le génie humain s’est donné une tête : il a nommé Dieu !
Les hommes ne sont plus ennemis, ils ne sont plus rivaux, ils sont les enfants d’un même père. La liberté par la loi, l’égalité par l’accomplissement du devoir constituent la fraternité. La société devient un corps vivant et immortel car elle s’est donné une tête vivante et immortelle : elle a nommé Dieu !
Ce Dieu nous le rêvons à notre image et l’idée que nous nous formons de lui n’est que l’idéal humain exalté, le besoin de le mieux connaître et de l’aimer nous fait agrandir notre idéal, le progrès commence avec la recherche de Dieu, et plus l’homme grandit, plus Dieu s’élève.
Les peuples se font des idoles et les brisent, l’enfer se peuple de dieux tombés jusqu’à ce que la parole du grand initiateur se fasse entendre : Dieu est esprit et il faut l’adorer dans l’esprit de la vérité !


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