Sous le règne d'un vieux Lion,
Plein d'ardeur et d'ambition,
Les bêtes avaient fait la guerre.
Sitôt qu'il eut rendu sa dépouille à la terre,
Son successeur, très-jeune encor,
Promit une paix éternelle.
Pour ses sujets quelle heureuse nouvelle !
A leur joie ils donnent l'essor.
Un Ours seul gardait le silence.
Comme on lui demandait pourquoi :
« Mes amis, dit-il, croyez-moi,
J'ai de l'âge et quelque prudence;
Je ne vois pas encor de quoi me réjouir.
Les promesses du Roi sont belles, je l'avoue,
Et ses intentions méritent qu'on le loue :
Il est de bonne foi, je veux en convenir.
Mais ce qu'il promet à cet âge,
Un Lion, bien souvent, plus tard ne le tient pas.
Laissons croître sa griffe; et s'il est aussi sage,
Si pour son coeur la paix a toujours des appas,
Vous me verrez, alors, plein d'une douce ivresse,
Partager, mes amis, votre vive allégresse... »