Le Cerf et le Bûcheron Romain Nicolas du Houllay (début 19è)

Poursuivi des chasseurs un jour dans la maison
De certain bûcheron,
A défaut d'autre asile,
Un cerf s'alla précipiter,
Le conjurant de ne le rejeter,
Le trahir encor moins. Ami, soyez tranquille,
Lui dit le bûcheron ; contre vos ennemis,
Par Jupiter je vous le jure,
Vous avez en mon logis
Une retraite sûre.
Le cerf caché, survient la troupe de chasseurs ;
Arrive aussi la phalange aboyante.
Le cerf est-il ici ? demandent les piqueurs.
Non, dit le bûcheron, d'une voix éclatante,
Non, je vous jure ; et de la main
Montre l'endroit qui le recele.
Mais le cerf qui de son hôte infidele
Avait vu le manege et le geste assassin,
Par-derriere échappé, déjà loin dans la plaine,
En dépit de miraut, sauvé, mais hors d'haleine
Abordait d'autres bois.
A quelques jours de là rencontré du perfide :
Pourquoi, dit celui-ci, cette fuite rapide
Qui, sans nous dire adieu, vous a loin de nos toits
Si brusquement fait disparaître ?
Chez moi j'avais herbe fraîche à foison ;
Vous en eussiez très-bien soupé. Cela peut être,
Lui répondit le cerf ; mais, tout en disant non,
Je vous ai vu dire oui : j'ai dû prendre la fuite,.
Et je la prends encor.
Vous voyant, je mecrois toujours sousla poursuite ;
Et pour moi votre voix ressemble au bruit du cor.
Que j'ai connu d'hôtes semblables,
Feignant d'être touchés du sort des misérables,
D'une main leur offrant un asile en leurs cœurs,
Et les livrant d'une autre à leurs persécuteurs !

Livre II, fable 8




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