Une Fauvette, dont le chant
Pouvait presque égaler celui de Philomèle,
Remplissait, nuit et jour., sa tâche maternelle,
Avec le soin le plus touchant.
A peine revêtus d'un cotonneux plumage.,
Ses gentils oisillons vivaient de vermisseaux ;
Et., pour leur en fournir., vers les prochains ruisseaux
La Fauvette faisait voyage sur voyage.
Avec leur embonpoint croissait leur appétit.
Voilà qu'un jour, hélas ! c'était en son absence,
Près du nid tout-à-coup un Faucon s'abattit.
Un noir pressentiment en secret avertit
La mère... Elle revient en toute diligence.
Ah ! barbare ! arrêtez, montrez-vous généreux.
Au nom de Jupiter., ma crainte vous implore.
Pardonnez à des malheureux !
Ne le voyez-vous pas ? ils ne font que d'éclore.
Le Faucon la regarde avec un air sournois ;
Et, tenant la grifse tendue :
Écoute, lui dit-il : on m'a vanté ta voix ;
Je ne l'ai jamais entendue.
Tu peux, la déployer ; et si j'en suis content,
Foi de Faucon, je m'envole à l'instant.
La Fauvette tremblait ; sans peine on le devine :
Mais son cœur maternel fait un dernier effort
Pour fléchir le tyran. De son gosier il sort
Des chants d'une douceur divine.
Le rossignol lui-même en eut été jaloux.
Quand elle eut cessé son ramage,
Le Faucon, lui tenant un dédaigneux langage :
Quoi ! ce sont là ces chants si doux,
Si renommés dans le bocage !
Ils font pitié, ma bonne ; et c'est vraiment dommage,
Car je vais vous dévorer tous.
Arrête ! crains les Dieux ! Vengeurs de mon injure,
Us vont tonner sur un parjure.
Ils tonnent en effet. Un chasseur, en passant,
Aperçoit, par hasard, ce tableau déchirant,
Tire sur le Faucon d'une main prompte et sûre,
Et le fait tomber expirant.
Sur le berceau de l'innocence,
Les Dieux avec amour attachent leur regard ;
Et souvent, ce qu'on croit être un coup du hasard
Est un coup de la Providence.