Sans crainte en plein midi l'alouette champêtre,
Tous les jours en chantant, montait au haut des airs,
Les accents de sa voix célébraient le grand Être
Qui de ses dons remplit tout ce vaste univers.
Les voisins avec joie écoutaient son ramage ;
Et tous à l'unisson en approuvaient l'usage ;
Mais il déplut au féroce épervier
De qui le rauque et vorace gosier,
Ennemi du doux chant n'aime que le carnage.
Dans sa haine bientôt il forme un noir projet,
Perché sur un vieux tronc, il jure par sa serre,
Que de cette chanteuse il purgera la terre.
Son bec retors en prononça l'arrêt.
Le bruit en fit retentir la forêt.
Témoin de sa fureur la tremblante fauvette
Vient à l'instant instruire l'alouette
De la teneur du barbare décret.
Prenez vos sûretés, dit-elle, ma pauvrette,
Sans quoi c'est fait de vous, croyez-en mon avis,
Fuyez les champs, ainsi que la chauve souris.
Comme elle, au loin cherchez une retraite,
Prenez-en, s'il se peut, et l'allure et l'habit.
Pour vous garder contre l'œil qui vous guette,
Tenez-vous coi le jour, n'agissez que la nuit,
Ne faisant rien qu'à petit bruit :
Et pour un temps du moins, sachez être muette.
Peut-être que dans peu le Ciel,
A vos désirs rendu plus favorable,
Par quelques traits d'une main secourable
Vous fera délivrer de l'animal cruel.
Libre alors, avec avantage
Vous reprendrez votre joyeux ramage.
L'alouette la crut, et suivant ce conseil,
Dont elle goûta la prudence,
Elle vécut en assurance,
Évitant de paraître aux rayons du soleil.
En n'opposant aux fureurs des méchants
Que la retraite et le silence.
La paix, quand il en sera temps,
Couronnera la patience.