Sur les sommets altiers des Montagnes Rocheuses,
Par delà les sapins, vers les cimes neigeuses,
Un énorme Mouton
Sauvage et indompté, portant d'immenses cornes,
Cache cet ornement qui dépasse les bornes
De l'imagination.
Est-il honteux vraiment de ces gros appendices,
Ou vit-il seulement parmi les précipices
Par l'unique raison
Qu'il ne trouve que là sa pitance ordinaire,
Qu'il est loin des humains ? Chacun son caractère,
Sauvages et Mouton.
On nomme ce Mouton là-bas un Cimerone,
Magnifique gibier dont la chair est très bonne,
Que traquent les chasseurs,
Car les Américains vont vers les solitudes,
Des bêtes, des Indiens, gêner les habitudes
Pour y porter les leurs.
Or donc un Cimerone, un très vieux philosophe,
Habitait ces hauteurs, ayant en lui l'étoffe
D'un poète rêveur.
« Oh ! que ces monts sont beaux ! Et quelle silhouette,
Quels reflets le soleil sur cette neige jette !
Merci, mon Dieu seigneur !
De m'avoir pour patrie assigné ce domaine,
Où, de soucis exempt, libre je me promène,
Broutant sur le rocher
De-ci, de-là, partout où mon instinct me pousse.
Mes rocs ensoleillés ont tous assez de mousse,
Qu'il est bon d'y rêver ! »
Or un mineur cherchant en cet endroit sa vie
D'un coup de feu mit fin à cette litanie
Du vieux Mouton rêveur,
Et l'homme ricana : « Laisse-moi donc tranquille
Avec ta poésie. AU right ! vieil imbécile,
Fais place au prospecteur.
Le temps c'est de l'argent, tes rochers ont de l'or,
Je vais les exploiter, et te manger »... Butor !