Guillot et Robin mouton Bourgeois-Guillon (19è siècle)

Venez, Robin, en pâturant l'herbette,
Vous devez être assourdi par le son
De cette ennuyeuse sonnette.
Approchez, sur votre toison
Une épine, je crois, non, c'est une branchette.
Voulez-vous que, sous la coudrette,
Je vous fredonne la chanson
Qu'un jour je fis pour ma fanchette,
Bien moins que toi succulente, blanchette !
Aimes-tu mieux un air de ma musette ?
Dis, mon Robin ! De ce Robin,
Après un aussi doux langage,
Qui n'enivrait l'heureux destin.
Certe, il est plus heureux même que le serin
Que fanchette nourrit en cage.
— Il est heureux !.. Mais, à Pâque prochain,
Venez faire un tour au village ;
Demandez Robin et Guillot ;
Vous verrez un Guillot, Guillot au cœur de roche,
Ayant mis Robin à la broche.
— À la broche !—Peut-être en rot.
— Mais ces douceurs qu'à perdre haleine
À son Robin... — Bah ! bah ! c'est qu'à sa fine laine
Il préjugeait de Robin le gigot
Devoir être archifin, succulent, en un mot
Gigot sentant le thym, la marjolaine I
— C'est donc un gastronome !... Et le joli «erin
Que fanchette, soir et matin
Baisait, qu'elle échauffait dans son joli corsage.
— Ah ! c'est qu'alors on aimait son ramage.
Ne chantant plus, au chat, en guise de fromage
On l'a donné : ce fut un déjeûner de moins.

Sans l'espoir d'en tirer un certain avantage,
Croyez-vous que d'autrui l'on prenne tant de soins.

Livre II, Fable 3




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