L'inconstance du cœur humain
A de quoi vraiment nous confondre.
Qui de nous pourra se répondre
D'être le soir le même qu'au matin.
Est-ce libre arbitre ou destin ?
Je ne sais, mais vraiment, il faudrait nous refondre.
Memnon, certe, est un bon humain.
Parfois, comme tout autre, il peste en son ménage.
Mais de sa femme au fond, et vertueuse et sage,
Philosophiquement il supporte l'humeur.
Un beau matin, gaîment il se lève. En son cœur
Méditant un projet utile
Qui lui pourrait faire beaucoup d'honneur,
Et qui surtout était pour le bonheur
De ses concitoyens et de sa propre ville.
Il lui fallait consulter un auteur
Qu'il savait être à la bibliothèque ;
Ne sais son nom, il doit finir en èque.
Pour s'y rendre Memnon avait pris son chapeau ;
Il est à la porte : tout beau,
L'air animé, lui dit sa femme,
(Quelque soupçon jaloux, certes, trotte en son âme.)
Où vas-tu ?—Le trait est nouveau,
Répondit-il, où je veux ; eh ! laissez-moi ; madame
Ferme la porte à double tour.
Parbleu, dit-il, c'est bien un autre tour :
Je veux sortir, n'en suis-je pas le maître ;
Je sauterai plutôt par la fenêtre.
II l'ouvre. — Eh bien, tu ne sautera» pas,
Dit la femme en fureur. Ne sais dans les débats
Ce qu'il advint : plus d'un écart peut-être :
Mais toujours beaucoup trop d'éclats.
Jugez donc un peu, quel scandale,
C'est le sage Memnon, se disait-on, tout-bas,
Eh bien ! il a battu sa femme !... Hélas !
De mes six premiers vers relisez la morale.