L'ami Jean ne veut pas que maître Aliboron
Se fasse adulateur, encor moins fanfaron.
Nous le voyons dans cette fable
Où l'âne sert de cor à son roi, le lion ;
Dans une autre où, jaloux du chien, faisant l'aimable,
Il va caresser le menton
De son maître assez peu traitable.
L'ami Jean veut qu'il soit, tout simplement,
Comme on dit, âne de nature.
Qu'eût-il dit d'un âne pédant ?
J'en connus un qui, d'aventure,
Ayant servi longtemps un magister,
Avait contracté dans son air,
Et dans sa voix, comme dans son allure,
Beaucoup de ce ton magistral,
Parlant ou marchant avec pause,
Et qui dit au passant : oui, je ne suis pas mal,
Mais si vous m'entendiez, c'est bien une autre chose !
Pour répondre un peu proprement
À je ne sais quelle ambassade
Venue avec un truchement,
Les animaux avaient choisi le camarade.
Laissez faire, dit-il, faudra-t-il parler grec,
Au truchement je veux clore le bec.
Je n'ai pas oublié les leçons de mon maître....
Musa, la muse, alpha, delta,
Nous irons, s'il le faut jusques à l'oméga.
Sait-il l'hébreu ? Nous nous piquons de 1 être.
A son discours, bref quand il arriva,
On ne tarda pas à connaître
Qu'il n'était qu'un pauvre bêta.

Livre II, Fable 14




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