Ils s'en allaient dans la prairie
Les Indiens que j'ai vus là-bas,
Drapés dans vieille friperie,
Poussés par de nombreux soldats.
Elles pendaient à leurs ceintures,
Sur leurs blouses en peaux de daims,
Des ennemis les chevelures,
Le scalp des guerriers inhumains.
De vermillon leurs faces plates
Étaient peintes comme autrefois,
Ils avaient leurs cheveux en nattes
Avec des grifses d'ours des bois.
Mais ils laissaient leurs carabines,
Dans leurs fourreaux de cuir frangé,
Et, la tête sur leurs poitrines,
Ne regardaient pas l'étranger.
Leurs chevaux à maigre encolure
Broutaient les sauges du chemin,
Ils s'en allaient à l'aventure
Vers le pays du lendemain.
Femmes, vieillards, guerriers alertes,
Allaient, comme un troupeau, chassés ;
Leurs files dans les herbes vertes
Traçaient des sillons espacés ;
Mais en tête une Mule blanche
Semblait guider la troupe au port,
Elle marchait d'allure franche,
Son fardeau ne pesait pas fort :
Un enfant habillé de rouge
Aux beaux colliers de verre bleus,
Semblait idole qui ne bouge
Qu'avec le temple des aïeux.
Et j'ai suivi la Mule blanche,
Longtemps des yeux dans le lointain,
Portant peut-être la revanche
Dans la blouse de ce gamin.
Peut-être aussi que ces sauvages,
Suivant l'enfant dans le désert,
Ont fait passer quelques nuages
Sur mon front, en pensers amers !