Un petit agneau libertin
S'échappa du sein de sa mère
Et prit sa course un beau matin
Pour voir la campagne étrangère.
Il rêvait de lointains abris
Sur des gazons toujours fleuris,
Des sources de lait naturelles
Et des verdures éternelles.
Il part sans même s'enquérir
Si sa mère en pouvait mourir.
La pauvre brebis gémissante,
Pour l'appeler, longtemps bêla,
Mais en vain. Depuis ce temps-là
Elle se traînait languissante ;
Dans l'étable le plus souvent
Elle restait seule et couchée,
L'œil atone, sur la jonchée,
En écoutant le bruit du vent…
La pauvre bête en serait morte.
Un jour on la voit tressaillir,
Elle s'élance vers la porte.
Ô bonheur ! ô cris de plaisir !
C'est son agneau qu'on lui rapporte.
Dans quel état, le malheureux !
Presque tondu, plein de morsures,
Tout souillé, couvert de blessures
Et le repentir dans les yeux.
La brebis va mourir de joie,
Elle le prend et le nettoie,
Elle a du courage pour deux ;
Elle le soigne et le console.
Alors un vieux bouc son voisin
Dit : - Ma chère, vous êtes folle
De tant fêter ce libertin,
Il a mérité de sa mère
Moins de pitié que de colère.
- De la colère contre toi,
Répond alors la porte-laine,
Mon agneau, toi qui n'as que moi
Pour te faire oublier ta peine !
Puis-je m'irriter, en effet,
Quand c'est du bonheur que j'éprouve ?
Je ne sais plus s'il a mal fait,
Mais je sais que je le retrouve.
Symbole 7 :
L’amour du père et le la mère est un pardon éternel, c’est une extension de la bienveillance divine.
Mais le pardon ne saurait être la tolérance.
Dieu pardonne toujours le mal passé, il ne tolère jamais le mal présent.
La bonté ne saurait se concilier avec la méchanceté, pas plus que la raison avec la folie.
Pourquoi enchaînerait-on encore un fou lorsqu’il est revenu à la raison ? Mais tant qu’il est dans sa démence, comment le mettrait-on sagement en liberté ?
La justice suprême châtie sans pitié, parce qu’elle châtie par amour.
Elle est inflexible comme la main du chirurgien habile, elle ne s’arrêtera que quand le mal sera extirpé.
Mais pour l’âme qui revient au bien cette main terrible n’a plus que des caresses comme la vie pour les convalescents.
Au retour d’une grande maladie comme on trouve le ciel riant et pur ! Comme la verdure est vivante ! Comme la campagne est belle ! Comme l’air est doux et parfumé ! Comme la nature entière semble en fête !
Telles sont les joies du retour au bien : l’âme palpite sous les étreintes de Dieu, elle se sent revêtue de grâce comme d’une robe magnifique, elle porte au doigt son pardon comme un anneau d’or.
C’est ce que le Sauveur nous donne à comprendre dans sa belle parabole de l’enfant prodigue
qui renferme le génie du christianisme tout entier.